Enfoui dans les profondeurs des forêts tropicales de Papouasie-Nouvelle-Guinée, du nord-est de l’Australie et de quelques îles indonésiennes, le casoar se faufile dans la végétation dense comme un vestige vivant de la préhistoire. Son allure étrange, mi-oiseau mi-dinosaure, ne laisse personne indifférent. Plutôt discret malgré son apparence imposante, ce grand oiseau incapable de voler intrigue autant qu’il intimide. Pourtant, peu connaissent son mode de vie, ses origines, son rôle écologique et la place qu’il occupe dans les cultures autochtones. À travers cet article, partons à la découverte du casoar, cet animal aussi fascinant que méconnu.
Définition et caractéristiques biologiques du casoar
Le casoar est un grand oiseau coureur appartenant à la famille des Casuariidae, qui inclut également l’émeu. Il en existe trois espèces reconnues : le casoar à casque (Casuarius casuarius), le casoar de Bennett (Casuarius bennetti) et le casoar nain (Casuarius unappendiculatus). Le plus connu et le plus impressionnant reste le casoar à casque, reconnaissable à sa stature massive, son plumage noir brillant, sa peau nue bleue et rouge sur le cou, et surtout son casque kératinisé au sommet du crâne, dont la fonction exacte fait toujours débat chez les scientifiques.
Mesurant jusqu’à 1,80 mètre de hauteur et pesant jusqu’à 70 kg, le casoar est le deuxième plus grand oiseau vivant au monde après l’autruche. Il est doté de pattes puissantes, capables de courir à plus de 50 km/h, et d’ongles acérés, notamment le deuxième doigt de chaque patte, en forme de dague, qui peut atteindre 12 centimètres. En cas de menace, il n’hésite pas à donner des coups de pied impressionnants pouvant blesser gravement, voire tuer. C’est pourquoi il est parfois surnommé « l’oiseau le plus dangereux du monde ».
Malgré cette réputation, le casoar est un animal plutôt solitaire et timide, évitant le contact humain. Il joue un rôle écologique fondamental : frugivore, il consomme des dizaines de variétés de fruits, dont certains qu’aucune autre espèce ne peut digérer, et il disperse les graines sur de longues distances grâce à son système digestif lent et efficace. Il contribue ainsi activement à la régénération des forêts tropicales, ce qui en fait un acteur clé de la biodiversité locale.
Origines, habitat naturel et répartition du casoar
Le casoar descend d’un groupe ancien d’oiseaux appelés les ratites, qui comprend aussi l’autruche, le kiwi et le nandou. Ces oiseaux partagent une caractéristique commune : L’incapacité de voler comme le kiwi. Leur origine remonte à plus de 60 millions d’années, probablement après l’extinction des dinosaures. Leurs ancêtres ont évolué séparément sur les différentes masses terrestres issues de la fragmentation du supercontinent Gondwana. Le casoar, plus spécifiquement, a évolué dans les forêts tropicales humides du nord de l’Australie, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et de quelques îles environnantes comme Seram ou Yapen.
Le casoar à casque se rencontre principalement dans le Queensland (Australie), notamment dans la région de la Daintree Rainforest, l’une des plus anciennes forêts tropicales au monde, ainsi qu’en Papouasie-Nouvelle-Guinée, où il est plus largement réparti. Ces oiseaux affectionnent les forêts denses, marécageuses et montagneuses, où l’humidité constante et l’abondance de fruits tropicaux favorisent leur mode de vie. Le casoar est extrêmement sensible à la déforestation, aux routes, aux chiens domestiques et à la fragmentation de son habitat, ce qui en fait une espèce vulnérable.
L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) classe le casoar à casque comme espèce « préoccupante », et localement menacée en Australie. Selon les dernières estimations, il ne resterait que 4 000 individus à l’état sauvage dans le nord-est australien. Des initiatives de corridors écologiques et de sensibilisation locale ont été mises en place pour protéger cet animal emblématique, mais les menaces humaines restent omniprésentes, notamment les collisions avec des véhicules et l’urbanisation croissante de son territoire.
Reproduction, comportement et longévité du casoar
Le comportement reproductif du casoar présente des particularités rares chez les oiseaux. Après la période de parade, généralement durant la saison humide, c’est la femelle qui pond les œufs (entre 3 et 5), mais c’est le mâle qui prend entièrement en charge l’incubation et l’élevage des petits. Il couve les œufs pendant environ 50 jours, sans s’alimenter ni quitter le nid, puis protège et guide les poussins pendant les neuf premiers mois de leur vie. Ce rôle paternel très marqué constitue une adaptation intéressante pour une espèce vivant en milieu forestier, où les ressources sont dispersées.
Le casoar est un animal territorial et solitaire. Chaque individu dispose d’un territoire bien défini qu’il parcourt à la recherche de fruits, de champignons, d’insectes, et parfois de petits vertébrés. Il communique à l’aide de sons très graves, inaudibles pour l’oreille humaine, mais perceptibles à travers le sol et les vibrations, un mode de communication particulièrement efficace dans les forêts denses. Ce système pourrait rappeler celui utilisé par les éléphants. Le casoar possède également une excellente mémoire spatiale, qui lui permet de localiser les arbres fruitiers selon leur cycle de fructification.
En captivité, les casoars peuvent vivre jusqu’à 40 ou 50 ans, mais leur espérance de vie à l’état sauvage est estimée à 20 ou 30 ans. Les jeunes sont très vulnérables durant leurs premières années, notamment à la prédation et aux perturbations humaines. C’est pourquoi la protection des adultes reproducteurs est primordiale pour le maintien de l’espèce. De nombreux projets de réintroduction et de surveillance sont en cours, notamment en Australie, où le casoar est considéré comme une espèce “parapluie” dont la conservation bénéficie à l’ensemble de l’écosystème forestier.

Le casoar dans les cultures autochtones, les arts et les récits modernes
Depuis des siècles, le casoar occupe une place centrale dans les mythes et les traditions des peuples autochtones de Papouasie-Nouvelle-Guinée et du nord de l’Australie. Dans de nombreuses tribus, il est considéré comme un animal totem, lié aux ancêtres et aux récits de création du monde. Les plumes de casoar, son casque, et même ses os, sont utilisés dans les ornements rituels, les danses cérémonielles et les objets sacrés. Le casoar est vu comme un animal noble, souvent craint, parfois vénéré, mais toujours respecté. Sa chasse est traditionnellement encadrée par des tabous et des règles coutumières strictes.
Dans l’art aborigène, le casoar est représenté à travers des peintures rupestres, des motifs géométriques, ou des fresques symboliques. En Papouasie, il est souvent présent dans les masques et les sculptures en bois utilisées lors des initiations ou des fêtes communautaires. On le retrouve également dans les récits oraux transmis de génération en génération, où il joue des rôles de guide, de messager ou de punisseur, selon les histoires. Cette transmission culturelle a permis de conserver un lien fort entre l’homme et cet animal, malgré la pression croissante de la modernité sur les territoires traditionnels.
Dans la culture populaire moderne, le casoar fait parfois des apparitions, notamment dans des documentaires animaliers comme ceux de la BBC ou de National Geographic. Il a été mis en avant dans plusieurs zoos à travers le monde pour sensibiliser le public à la biodiversité des forêts tropicales. Des artistes contemporains australiens intègrent désormais l’image du casoar dans des œuvres engagées sur l’environnement. Enfin, en 2009, le film Up de Pixar a contribué à populariser une version fantaisiste du casoar à travers le personnage de Kevin, un oiseau géant et coloré rappelant clairement le casoar à casque, introduisant cet oiseau à un nouveau public international.