Utilisé depuis des décennies dans les secteurs du bâtiment, de l’industrie et de la métallurgie, le sertissage s’est imposé comme une méthode incontournable pour assembler durablement des pièces sans recourir à la soudure. Son efficacité, sa rapidité d’exécution et sa fiabilité en ont fait une technique phare dans les installations sanitaires, les réseaux de chauffage ou les systèmes industriels complexes. Son principe repose sur la déformation contrôlée de la matière afin de réaliser un raccord mécanique étanche et solide. Bien plus qu’un simple geste technique, le sertissage incarne une évolution majeure des méthodes d’assemblage du XXe siècle à aujourd’hui.
Définition et principes du sertissage
Le sertissage est une méthode d’assemblage permanent par déformation plastique contrôlée. Elle consiste à insérer un tube — généralement en cuivre, acier inoxydable, multicouche ou PER — dans un raccord spécifique, puis à appliquer une force mécanique ou hydraulique à l’aide d’une pince à sertir, pour comprimer la paroi extérieure du raccord contre le tube. Cette action forme une liaison étanche, homogène et résistante mécaniquement, sans ajout de matière, ni fusion thermique.
La déformation générée est localisée et calibrée selon des normes de profil (TH, H, U, B, etc.), garantissant une pression uniforme sur le joint torique (O-ring) souvent présent à l’intérieur du raccord. Ce joint assure l’étanchéité hydraulique immédiate dès la compression, et compense les éventuelles dilatations ou vibrations du réseau.
Le sertissage repose donc sur trois facteurs essentiels :
- Une contrainte mécanique exercée de manière symétrique sur la zone à sertir ;
- Une géométrie de raccord spécifique, étudiée pour s’adapter à un profil de mâchoire donné ;
- Un joint interne de haute performance (généralement en EPDM, HNBR ou FKM), assurant l’étanchéité chimique et thermique
En plus de supprimer les étapes fastidieuses de brasage ou de soudure (ébarbage, décapage, chauffage), le sertissage minimise les contraintes thermiques sur les matériaux sensibles. Il est ainsi parfaitement adapté aux bâtiments modernes intégrant de nombreux isolants, matériaux composites ou structures bois, où la maîtrise de la température est cruciale.
Ce procédé permet également un gain de temps significatif dans les installations en série, avec un contrôle de qualité plus reproductible. Il favorise l’automatisation dans les environnements industriels et la standardisation dans le domaine du BTP. Certaines machines de sertissage professionnelles incluent même une mémoire de cycle ou une alerte de maintenance, garantissant une traçabilité conforme aux normes de pose actuelles (NF DTU, DIN, EN ISO…).
Enfin, le sertissage présente une excellente tenue aux pressions élevées (jusqu’à 16 bars selon les systèmes) et aux températures extrêmes (jusqu’à 110 °C voire plus pour certains joints FKM), ce qui le rend parfaitement compatible avec les réseaux de chauffage, d’eau potable, de climatisation, ou encore les circuits glycolés et les installations solaires basse pression.
Petite histoire du sertissage
Bien que le terme « sertissage » évoque aujourd’hui une technique moderne de raccordement, ses racines plongent bien plus loin dans l’histoire des techniques d’assemblage. Des formes primitives de déformation mécanique étaient déjà utilisées dans l’Antiquité pour fixer des pièces métalliques sans clous ni soudure, notamment dans la fabrication des armes, des armures ou des bijoux.
C’est toutefois au XXème siècle, avec l’avènement de l’industrie aéronautique et automobile, que le sertissage moderne tel qu’on le connaît aujourd’hui commence à émerger. Dans les années 1930 et 1940, l’industrie américaine développe les premiers outils de sertissage électrique pour assembler rapidement des faisceaux de câbles, sans chaleur ni soudure — une méthode qui gagne en popularité durant la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre des productions militaires à grande échelle (avions Lockheed, bombardiers B-17 ou Jeep Willys).
En 1957, l’ingénieur américain Paul J. Pelzer dépose l’un des premiers brevets sur une pince à sertir pour câblage électrique. Ce principe est rapidement standardisé dans les normes militaires américaines (MIL-SPEC) pour les connexions résistantes aux vibrations et aux chocs. Le sertissage devient ainsi une solution incontournable dans les systèmes électriques embarqués (aéronefs, navires, blindés, etc.).
Dans les années 1960-1970, des fabricants européens, notamment allemands (Rehau, Viega, Geberit), commencent à adapter le concept à la plomberie industrielle. La plomberie inox pressée fait son apparition, initialement pour les réseaux alimentaires ou pharmaceutiques, nécessitant des raccords stériles et sans soudure.
Mais c’est dans les années 1980-1990 que le sertissage s’impose dans le bâtiment, avec l’arrivée des matériaux synthétiques comme le PER (Polyéthylène Réticulé) et le tube multicouche. Ces tubes souples et résistants, combinant métal et plastique, révolutionnent les réseaux d’eau et de chauffage. Leur pose simple et rapide nécessite des raccords fiables, étanches, et sans chaleur — le sertissage devient alors la solution idéale.
En 1995, la société allemande Viega commercialise l’un des premiers systèmes de sertissage universel à profil TH, conçu pour les installations sanitaires et thermiques, vite adopté par les installateurs professionnels. Le développement parallèle d’outils électromécaniques sans fil, notamment par Rems, Rothenberger ou Milwaukee, rend la technologie accessible et mobile sur chantier.
En France, c’est à partir des années 2000 que les artisans plombiers abandonnent progressivement le chalumeau au profit du sertissage. La réglementation évolue également : plusieurs DTU (Documents Techniques Unifiés) intègrent officiellement le sertissage comme mode de pose agréé, notamment pour les réseaux multicouches (DTU 60.1, DTU 60.5, etc.).
À ce jour, le sertissage est devenu un standard dans de nombreux pays européens, répondant à des normes de qualité strictes (EN ISO 21003, DIN 1988, etc.). Son adoption massive dans les logements collectifs, les bâtiments tertiaires ou les installations industrielles témoigne de sa fiabilité et de sa polyvalence. Il est également au cœur des enjeux de la construction moderne : gain de temps, sécurité sur chantier, efficacité énergétique et performance durable.
Les différents types de sertissage
Le sertissage est une technique adaptable à de nombreux contextes et matériaux. Il existe différentes approches selon le type de raccordement souhaité, la taille des tubes, la pression exigée ou encore le domaine d’application (plomberie domestique, réseaux industriels, électricité, etc.). Voici un tableau comparatif des principales variantes de sertissage :
Type de sertissage | Description et applications |
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Sertissage mécanique | Réalisé à l’aide d’une pince manuelle ou électrique, ce type de sertissage est le plus courant dans le secteur de la plomberie résidentielle. Il convient parfaitement aux tubes en cuivre, multicouche ou PER, généralement de petit diamètre (12 à 32 mm). Méthode rapide, propre et sûre, adaptée aux installations sanitaires, réseaux de chauffage ou planchers chauffants. Exemple : pose d’un réseau de PER encastré dans une maison neuve avec raccords à sertir profil TH. |
Sertissage hydraulique | Utilise un système à vérin hydraulique (manuel ou motorisé) pour exercer une pression très élevée sur des tubes de grand diamètre. Principalement employé dans l’industrie, les réseaux collectifs, la climatisation, les conduites acier, inox ou cuivre renforcé. Offre une compression plus uniforme sur toute la circonférence du raccord, ce qui garantit une étanchéité optimale même sous haute pression (jusqu’à 25 bars). Exemple : installation de tubes en inox pour un réseau d’eau chaude sanitaire dans un hôpital. |
Sertissage radial | Le plus répandu en plomberie moderne, il consiste à comprimer le tube et le raccord sur 360° grâce à une pince à mâchoires semi-circulaires. Adapté aux raccords multicouche, cuivre, PER et inox. Profil TH, H, U ou M selon les marques. Ce sertissage est rapide, fiable, et compatible avec les raccords les plus standards du marché. Exemple : raccordement rapide d’un collecteur de plancher chauffant en tube multicouche Ø16 mm. |
Sertissage axial | Utilisé surtout avec des tubes PER ou PEX, il consiste à insérer un raccord dans le tube, puis à glisser une bague métallique autour du tube que l’on vient écraser axialement. Cette technique offre une excellente tenue mécanique, notamment pour les réseaux soumis à vibrations ou dilatations thermiques. Plus long à poser mais très fiable, il nécessite des outils spécifiques (expanseur + pince à bague). Exemple : réseau d’eau chaude encastré dans une dalle béton, sans raccords intermédiaires. |
Sertissage électrique (connectique) | Technique dérivée des domaines automobile, ferroviaire ou aéronautique, consistant à fixer des cosses ou connecteurs par écrasement mécanique d’un conducteur métallique. Utilisé pour les faisceaux électriques, les borniers, les connecteurs RJ ou les bornes de puissance. Nécessite des pinces précises pour garantir la conductivité électrique et la tenue mécanique. Exemple : connexion rapide de fils dans un tableau de commande industriel. |
Le choix du type de sertissage dépendra toujours du contexte d’intervention : diamètre des tubes, matériau, normes de pose, pression de service, environnement (humide, encastré, industriel) et outillage disponible. Une bonne connaissance de ces variantes permet d’optimiser à la fois la sécurité, la durabilité et la productivité sur chantier.
Les outils de sertissage
Le choix du matériel de sertissage est un facteur clé de la réussite d’une installation. Il doit être adapté au type de tubes, aux raccords utilisés, au volume d’intervention et aux conditions de chantier (accessibilité, mobilité, environnement). Voici un tableau récapitulatif des principaux outils de sertissage et de leurs spécificités :
Type d’outil | Description et utilisations |
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Pince à sertir manuelle | Fonctionne sans alimentation, à action manuelle avec bras de levier. Convient aux tubes de petit diamètre (12 à 26 mm environ). Idéale pour les travaux ponctuels, les interventions de maintenance ou les chantiers d’accès difficile (combles, vides sanitaires). Léger, économique, mais demande un effort physique plus important. Compatible avec inserts fixes ou interchangeables selon les modèles. |
Sertisseuse électromécanique | Alimentation sur batterie lithium ou secteur (230V). Très utilisée par les professionnels pour sa puissance, sa vitesse d’exécution et sa fiabilité constante. Compatible avec la majorité des profils du marché (TH, U, H, M…) via mâchoires adaptées. Permet un sertissage uniforme, même sur des diamètres moyens à élevés (jusqu’à 63 mm). Souvent dotée d’un système de sécurité, de mémoire de cycles ou de serrage automatique. |
Sertisseuse hydraulique | Fonctionne par pression hydraulique manuelle ou motorisée. Recommandée pour les tubes de gros diamètre (au-delà de 63 mm), en inox, acier carbone ou multicouche rigide. Utilisée dans les environnements industriels, les chaufferies collectives ou les réseaux haute pression. Très robuste mais plus lourde, moins maniable et plus onéreuse. Requiert souvent un outillage spécifique. Permet une pression de sertissage uniforme et puissante sur toute la circonférence du tube. |
Mâchoires de sertissage | Élément indispensable à adapter à chaque type de raccord et de tube. Existent en version monobloc (fixe pour un diamètre) ou à insert interchangeable (plus souple et économique). Le bon choix du profil (TH, U, H, B, M…) garantit une déformation correcte et une étanchéité durable. Une mauvaise compatibilité peut entraîner des fuites ou une casse du raccord. À vérifier systématiquement selon les recommandations du fabricant. |
Dans tous les cas, il est indispensable de suivre les préconisations des fabricants pour le choix de la mâchoire, du profil de sertissage et du diamètre exact. Un bon entretien des outils et une vérification régulière des cycles de sertissage assurent également la qualité et la sécurité des installations sur le long terme.
Défis et précautions à connaître avec le sertissage
Le sertissage, bien qu’il soit perçu comme une méthode rapide et accessible, nécessite en réalité rigueur, préparation et maîtrise des bons gestes. Un raccord mal serti peut entraîner des conséquences graves : fuite d’eau nécessitant également un joint en silicone, corrosion prématurée, rupture sous pression, voire dégât des eaux dans les installations sensibles. Voici les principaux pièges à éviter et les bonnes pratiques à adopter :
- Choix du bon profil de sertissage : il ne suffit pas d’utiliser une pince et une mâchoire — encore faut-il que le profil de la mâchoire (TH, H, U, M, B, etc.) soit strictement compatible avec la marque et le modèle du raccord.
Exemple : un raccord multicouche de marque X prévu pour un sertissage TH ne tiendra pas si vous l’écrasez avec un profil U — la déformation sera incorrecte, le joint torique mal comprimé, et la fuite quasi assurée à moyen terme ; - Préparation du tube : toute coupe de tube doit être nette, perpendiculaire et bien ébavurée. Les impuretés, bavures ou déformations empêchent l’insertion complète du tube dans le raccord, ce qui perturbe le placement du joint torique.
Exemple : un tube multicouche mal ébavuré peut entailler le joint à l’insertion. Résultat : fuite lente et invisible qui fragilise l’installation jusqu’à la rupture. Toujours utiliser un outil d’ébavurage adapté après chaque coupe ; - Positionnement correct du tube dans le raccord : un tube à moitié inséré ou non en butée ne sera pas serti au bon endroit. De nombreuses marques proposent des fenêtres de contrôle visuel sur le raccord, mais trop souvent négligées sur chantier.
Astuce : marquer le tube à la bonne profondeur avant insertion avec un feutre. Cela permet de vérifier qu’il est bien en butée avant le sertissage ; - Utilisation d’une mâchoire inadaptée ou usée : les mâchoires s’usent avec le temps, surtout sur chantier poussiéreux ou en cas de manque d’entretien. Une mâchoire déformée ou mal centrée entraîne des sertissages imparfaits.
Exemple : sur un chantier de rénovation, une pince mal entretenue avec jeu dans les bras peut provoquer un sertissage incomplet sur raccord cuivre Ø26 mm — d’apparence correcte, mais fragile à la pression ; - Respect du diamètre exact et du calibrage : un insert mal adapté au diamètre du tube (trop grand ou trop petit) peut provoquer un écrasement du raccord ou une déformation excessive, au point de rompre l’étanchéité.
Exemple : un raccord PER Ø20 mm serti avec une mâchoire Ø16 forcée “par habitude” = déformation du tube, non-conformité de l’installation, fuite à venir ; - Absence de vérification après sertissage : une vérification visuelle est obligatoire après chaque cycle. Certaines pinces électromécaniques modernes affichent une LED ou un témoin sonore validant la pression exercée, mais cela ne dispense pas de contrôler manuellement l’alignement, la profondeur de l’écrasement et l’absence de jeu.
En résumé, le sertissage est une solution fiable et durable à condition de suivre scrupuleusement les préconisations des fabricants, de bien entretenir le matériel, et de rester vigilant à chaque étape. Une erreur, même minime, peut coûter très cher — surtout dans des installations encastrées, sous chape ou en réseau collectif.
Pour conclure : Dans quels cas utiliser le sertissage ?
Le sertissage s’est imposé comme une solution moderne, fiable et rapide pour l’assemblage de conduites dans de nombreux secteurs du bâtiment et de l’industrie. Il convient aussi bien aux réseaux neufs qu’aux travaux de rénovation, où la propreté, la rapidité d’exécution et l’absence de flamme sont des atouts majeurs.
Voici un panorama des contextes où le sertissage s’avère particulièrement recommandé :
- Réseaux d’eau potable : tubes en cuivre, multicouche ou PER, utilisés pour les alimentations d’évier, lavabo, WC ou douches. Le sertissage garantit une étanchéité durable, sans risque d’altération des qualités sanitaires de l’eau. Compatible avec les normes ACS ;
- Chauffage central et planchers chauffants : réseaux en tube multicouche posés en chape ou en apparent. Le sertissage assure une pose rapide, propre et parfaitement adaptée à des installations basse température comme les chaudières à condensation ou les pompes à chaleur ;
- Installations collectives : dans les immeubles d’habitation, bâtiments tertiaires, établissements recevant du public (ERP), hôtels, hôpitaux ou crèches. Le sertissage réduit les délais de chantier et élimine les risques liés à la soudure (pas de permis feu requis), tout en facilitant la maintenance ;
- Applications industrielles : réseaux d’air comprimé, de fluides techniques, de gaz non explosifs, de vide technique ou de glycol pour groupes froids. Le sertissage est utilisé sur des tubes acier, inox ou multicouche, pour des installations haute pression ou dans des environnements agressifs ;
- Naval, agroalimentaire, transport : dans les milieux soumis à vibrations ou contraintes mécaniques, le sertissage est préféré pour sa tenue mécanique et son absence de corrosion. Utilisé pour l’eau, les circuits hydrauliques ou les fluides alimentaires (en inox) ;
- Systèmes de climatisation, de ventilation ou panneaux solaires : le sertissage est idéal pour raccorder rapidement des circuits de fluide frigorigène ou caloporteur, tout en respectant les exigences d’étanchéité thermique ou chimique (notamment avec des joints FKM haute température).
Il est particulièrement utile en rénovation, là où les contraintes sont nombreuses : accès difficile, matériaux combustibles (bois, isolants, laine de verre), cohabitation avec l’existant (câblage électrique, anciennes canalisations). Grâce à l’absence de flamme, à la réduction des outils nécessaires, et à une mise en œuvre plus rapide qu’un raccord brasé ou soudé, le sertissage offre une solution sûre, durable et économique.
Que ce soit pour un bricoleur averti réparant sa chasse d’eau ou un professionnel expérimenté comme un plombier affairé sur un ballon solaire, le sertissage représente aujourd’hui une alternative incontournable aux méthodes traditionnelles de raccordement. Il s’inscrit dans une démarche moderne : plus rapide, plus propre, plus sûre — et parfaitement conforme aux exigences techniques et normatives actuelles du secteur du bâtiment.